Délais de paiement
Délais de paiement : Bruxelles met la pression sur la France
Marion Kindermans
La directive européenne devait être appliquée depuis samedi. Pour Bercy, le décret est imminent.
Peut mieux faire. Voilà en substance le commentaire de Bruxelles sur les actions menées en France contre le non-respect des délais de paiement. A la date butoir du 16 mars 2013, la France n'avait pas encore appliqué la totalité des mesures inscrites dans la directive européenne de 2010 (neuf pays européens l'ont fait), comme est venu le rappeler Antonio Tajani, vice-président de la Commission européenne en charge des entreprises et de l'industrie, lors de son déplacement à Paris ce week-end. « C'est un problème crucial pour l'économie réelle qu'il faut résoudre en priorité, a-t-il rappelé, ajoutant, qu'avec 65 jours de délai, la France est un peu au-dessus de la moyenne européenne, qui est à 61 jours ».
Sanctions alourdies
Pour les entreprises, les conséquences sont lourdes : le manque de trésorerie se chiffre de 10 à 12 milliards d'euros. La transposition de la directive européenne, dont la mesure phare est le paiement obligatoire d'une indemnité forfaitaire de 40 euros, a bien été inscrite dans le droit français, à travers la loi du 28 janvier 2013. Mais on attend toujours certains des décrets d'application.
« La loi est passée en Conseil d'Etat, et les derniers décrets doivent sortir d'ici à une dizaine de jours »
, assure-t-on à Bercy. « De gros efforts ont été réalisés depuis trois ans avec la loi LME [NDLR : qui réduit les délais à 60 jours calendaires ou 45 jours fin de mois], on est désormais à ranger dans la catégorie des bons élèves. Ce qui mécontente Bruxelles, c'est que la loi n 'est pas suffisamment appliquée, notamment avec les dérogations sectorielles», explique Patrice Coulon, directeur général délégué de GE Capital.
Dans ce contexte économique tendu, les entreprises hésitent aussi à demander les intérêts de retard à leurs donneurs d'ordre. « La directive n'apporte pas grand-chose de plus à la réglementation française. Le vrai enjeu est de faire appliquer des sanctions plus lourdes », déclare Jean-Hervé Lorenzi, président de l'Observatoire des délais de paiement. Bercy en a fait un cheval de bataille dans son pacte pour la compétitivité des entreprises. L'audit sur 2.000 grosses entreprises (dont 40 grands comptes) a démarré depuis quelques semaines et s'étalera sur toute l'année. Le juge sera saisi en cas de non-respect des délais. « Cela nous permet de couvrir un large spectre d'entreprises, compte tenu des nombreux liens de sous-traitance de ces gros donneurs d'ordre », explique Bercy.
La loi sur la consommation, qui sera débattue au Parlement en juin, imposera des amendes dissuasives aux mauvais payeurs - jusqu'à 375.000 euros - et la publication du non-respect des délais de paiement dans les rapports annuels des commissaires aux comptes. Pour Patrice Coulon, « ce sont de bonnes mesures. Mais les agents de la DGCCRF ne pourront pas contrôler tout cela. La question qui va encore se poser est celle des moyens mis en oeuvre. »
Les chiffres
Le nombre de jours en moyenne des délais de paiement en Allemagne en 2010. C'est le meilleur élève de l'Europe.
Le nombre de jours en moyenne pour l'Espagne, l'Italie et le Portugal, en queue de peloton.
Source : enquête Euler Hermes- juin 2012