Comment le patronat finance les syndicats ?
La taxe rebaptisée « contribution patronale au financement du dialogue social » oblige les employeurs à financer les organisations syndicales.
Le 9 mai dernier, une opération de bonneteau sur le financement des syndicats a eu lieu, passée totalement inaperçue. Elle donne l’occasion de refaire un point sur l’état du sujet aujourd’hui.
Les syndicats avant la loi du 5 mars 2014
Jusqu’à la loi du 5 mars 2014, les organisations syndicales, qu’elles soient salariales ou patronales, se finançaient comment elles le pouvaient. Dans la pratique, elles utilisaient deux circuits très différents : le premier reposait sur les cotisations, le second mobilisait les ressources du « paritarisme ». Dans celles-ci, deux ramifications principales existaient : le « préciput » de la formation professionnelle, équivalent à 1% environ des fonds collectés au titre des obligations en matière de formation, et des « chèques » libellés par les grands organismes paritaires auxquels les organisations syndicales participent (Unedic, Sécurité Sociale, etc.).
Ces circuits n’interdisaient bien entendu pas aux organisations de salariés d’arrondir leurs fins de mois auprès des institutions de prévoyance ou au titre de la formation.
Tout ce système ne prend pas en compte le financement des syndicats d’entreprise par l’intermédiaire des chèques syndicaux ou des comités d’entreprise.
Les justifications de ces sommes
Pour mémoire, les organisations syndicales, qu’elles soient salariales ou syndicales, justifiaient la perception de ces sommes en invoquant la nécessité de les indemniser pour leur participation à la vie des organismes paritaires, notamment nationaux. Administrer la Sécurité sociale ou l’UNEDIC, ou encore les régimes de retraite complémentaire, suppose de disposer d’administrateurs compétents, déchargés de toute autre activité.
Si l’argument n’est pas totalement dénué de fondement, on notera quand même que la perception de ces sommes par le MEDEF laisse quelque peu rêveur. Ce circuit de financement illustre bien l’ambiguïté des grandes centrales patronales sur la question du paritarisme : d’un côté, on en dénonce volontiers la lourdeur ou la rigidité, d’un autre, on est bien content d’en toucher les bénéfices.
Pire : il a rendu les organisations de salariés dépendantes d’usines à gaz toxiques pour leurs adhérents, mais indispensables à leur financement.
Les syndicats et la loi du 5 mars 2014
La loi du 5 mars 2014 a remplacé le financement des fédérations de branche ou des confédérations par la création d’un fonds paritaire de financement du dialogue social. Celui-ci se substitue au préciput de la formation professionnelle et aux chèques des organismes paritaires. Il est abondé par une cotisation initialement appelée « contribution patronale au financement des organisations syndicales », qui en disait long sur la nature de l’opération.
Cette contribution équivaut à 0,016% des rémunérations incluses dans l’assiette de la Sécurité sociale. Elle est collectée par les URSSAF, qui les reverse, par l’intermédiaire de l’ACOSS, au fameux fonds paritaire.
Le Conseil Constitutionnel valide le système
La particularité du reversement est qu’il est uniforme pour les syndicats de salariés et proportionnels pour les syndicats d’employeurs. Autrement dit, la somme collectée est divisée en deux.
Une première moitié est affectée aux organisations de salariés représentatives au niveau national : la CGT, la CFDT, FO, la CGC et la CFTC. Chacune de ces confédérations reçoit une somme identique.
La seconde moitié est versée aux organisations d’employeurs. Le MEDEF en reçoit 50%, la CGPME 30% et l’UPA 20%.
Pourquoi ces différences de traitement ? Le monde patronal, qui n’a pas mesuré effectivement l’audience de chacun de ses syndicats et qui s’est puissamment affronté sur le sujet, a manifestement obtenu des aménagements dont la CGT rêvait, mais que le Conseil Constitutionnel lui a refusés, jugeant parfaitement licite cette différence dans les règles de calcul.
Une transparence en toute opacité
Officiellement, la mise en place d’un fonds paritaire était pratiquée au nom de la transparence. Comme souvent dans ce qui se pratique au nom de celle-ci, c’est l’inverse qui s’est produit. Depuis la mise en place du fonds, l’opacité règne encore plus qu’auparavant.
Pour illustrer le propos, on notera que ni le site de l’ACOSS ni le bilan d’activité de celle-ci ne donne la moindre information sur le fonds paritaire. Celui-ci ne dispose pas de site Internet et aucune publicité n’est donnée ni sur le montant des sommes collectées, ni sur leur utilisation concrète.
Les employeurs qui financent cette mascarade ne manqueront pas d’apprécier l’utilisation mystérieuse qui est faite de leur argent.
Combien rapporte cette taxe ?
S’il nous est permis d’extrapoler, on peut néanmoins estimer le montant de la collecte à environ 85 millions d’euros.
La masse salariale soumise à l’assiette de sécurité sociale équivaut en effet à environ 530 milliards d’euros. Cette somme n’englobe pas les quelques 200 milliards de masse salariale du secteur public.
Or, une cotisation de 0,016% sur 530 milliards équivaut à 85 millions. La répartition de celle-ci permet donc d’accorder environ 21 millions au MEDEF, 16 millions à a CGPME, 8,5 millions à chaque syndicat de salariés (CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC) et 4 millions environ à l’UPA.
Cette taxe se substitue-t-elle vraiment aux autres sources de financement ?
La question est de savoir si cet apport est exclusif de tout autre ou pas.
On a vu que la mise en place d’un fonds paritaire n’a pas d’impact sur le financement des syndicats d’entreprises par les comités d’entreprise. Rien n’empêche un syndicat d’entreprise de financer la fédération à laquelle il est rattaché, ni même sa confédération.
La réforme du 9 mai 2016
Conscient des effets négatifs de cette cotisation patronale au financement des organisations syndicales, le gouvernement a procédé à un changement sémantique. Il appelle désormais cette taxe discrète : contribution patronale au financement du dialogue social.
Le fait reste le même : ce sont bien les employeurs qui financent les organisations syndicales, qu’elles soient salariales ou patronales.
Une taxe qui nie la liberté syndicale
Pour les employeurs comme pour les salariés, cette taxe pose un véritable problème, dans la mesure où elle constitue une négation profonde de la liberté syndicale.
Dans la pratique, il s’agit d’abord bien d’une taxe affectée, puisqu’elle est proportionnelle à la masse salariale et que sa destination est connue.
Par le truchement de cette taxe, tout salarié et tout employeur finance obligatoirement tous les syndicats de salariés et tous les syndicats d’employeurs. La méthode est particulièrement choquante pour les patrons qui ne souhaitent pas financer le MEDEF : dans tous les cas, ils sont obligés de le faire.
La réforme du 9 mai 2016
Conscient des effets négatifs de cette cotisation patronale au financement des organisations syndicales, le gouvernement a procédé à un changement sémantique. Il appelle désormais cette taxe discrète : contribution patronale au financement du dialogue social.
Le fait reste le même : ce sont bien les employeurs qui financent les organisations syndicales, qu’elles soient salariales ou patronales.
Une taxe qui nie la liberté syndicale
Pour les employeurs comme pour les salariés, cette taxe pose un véritable problème, dans la mesure où elle constitue une négation profonde de la liberté syndicale.
Dans la pratique, il s’agit d’abord bien d’une taxe affectée, puisqu’elle est proportionnelle à la masse salariale et que sa destination est connue.
Par le truchement de cette taxe, tout salarié et tout employeur finance obligatoirement tous les syndicats de salariés et tous les syndicats d’employeurs. La méthode est particulièrement choquante pour les patrons qui ne souhaitent pas financer le MEDEF : dans tous les cas, ils sont obligés de le faire.
Inversement, on notera que Pierre Gattaz évite soigneusement de rappeler qu’il préside la seule organisation syndicale de France à recevoir autant d’argent grâce aux charges qui pèsent sur les entreprises